
Après des mois de rumeurs et de nombreuses lettres demandant son départ, c’est un Justin Trudeau émotif qui a annoncé son départ de la vie politique canadienne lors d’une conférence de presse à 10h45 ce matin. Il démissionne de son poste de premier ministre et ne mènera pas la charge contre les conservateurs qui sont premiers dans tous les sondages. Cependant, il reste au pouvoir jusqu’à ce que le Parti libéral nomme son successeur. Cette nouvelle n’est pas une grande surprise dans le monde politique, car plusieurs médias rapportaient qu’il allait céder sa place aujourd’hui ou demain avant le caucus libéral de mercredi. Les tensions internes auront eu raison du premier ministre qui dirige le Canada depuis sa victoire convaincante en 2015 face à un gouvernement conservateur usé par le pouvoir. Aujourd’hui, ce sont les libéraux qui se trouvent dans la position de faiblesse et ils pourraient obtenir leur pire résultat auprès de l’électorat canadien.
Une prorogation?
En plus d’annoncer sa démission, le premier ministre a aussi annoncé la prorogation du parlement ce qui est un pouvoir peu utilisé dans la politique canadienne. Selon le droit parlementaire canadien, la prorogation est « la fin d’une session parlementaire qui n’exige pas une élection à la Chambre des communes ». Tous les projets de loi qui n’ont pas reçu une sanction royale cessent d’exister. Concrètement, Justin Trudeau est venu gagner du temps avant que le parlement soit renversé par les partis d’opposition. En effet, les députés ne siègent pas pendant la prorogation, alors il est impossible pour les partis d’opposition de déposer une motion de censure contre le gouvernement. Cette prorogation permettra aux libéraux de trouver un nouveau chef et d’être prêts pour les prochaines élections. Malgré certaines critiques, ce pouvoir est légitime en droit canadien et la décision de Trudeau ne représente pas un geste politique de dictature. Néanmoins, cette décision soulève certains questionnements sur la légitimité politique du gouvernement libéral actuel qui s’accroche au pouvoir malgré une grogne populaire sans précédent
Qui sera le successeur?
Une démission sans héritier politique clair amène le Canada dans l’incertitude politique. Qui sera le prochain premier ministre? Chrystia Freeland? Mark Carney? François-Philippe Champagne? Peu importe qui succèdera à Trudeau, celui-ci devra être prêt à subir une défaite cuisante lors des prochaines élections. Il est difficile d’imaginer les conservateurs échapper une avance de 20 points dans les sondages en seulement quelques mois. Une question subsiste: pourquoi ces individus voudraient-ils devenir capitaines d’un paquebot à moitié coulé? Il est possible que les candidats estiment qu’une défaite en 2025 ne les empêcherait pas de diriger le parti en 2029, mais c’est un pari dangereux pour ces candidats. Les prochaines semaines seront intéressantes pour le Parti libéral et pour le Canada.
Le seul heureux : Trump
Pendant que les Canadiens s’inquiètent de l’avenir du pays, il y a quelqu’un qui salive devant ce drame politique qu’est la fin du règne de Trudeau : Trump. Donald Trump arrive aux tables de négociation avec une position de force devant un gouvernement usé par le pouvoir et qui voit sa légitimité contestée. Il ne reste que deux semaines avant l’arrivée de Trump au pouvoir et rien n’indique que le Canada est prêt à affronter un deuxième mandat. Le prochain premier ministre sera rapidement testé par un Trump plus puissant que jamais.
L’héritage de Trudeau
Justin Trudeau laisse derrière lui un bilan mitigé qui risque d’être critiqué pendant de nombreuses années. Le déficit est plus grand que jamais et la promesse de budgets équilibrés a été jetée aux poubelles il y a très longtemps. La réputation du Canada à l’international est plus affaiblie que jamais. Le Canada est plus divisé que jamais comme nous l’avons observé cet automne avec un parlement paralysé. Bref, Justin Trudeau laisse derrière lui un Canada qui a besoin de réparations, mais il serait injuste envers lui de placer toute la responsabilité sur ses épaules. On peut le juger aujourd’hui, mais c’est l’histoire qui nous dira si Justin Trudeau a été un bon 23e premier ministre
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