
Tout d’abord, il faut souligner que la frontière actuelle divise plusieurs territoires autochtones. Par exemple, les peuples iroquois des nations Mohawks (bassin Champlain-Richelieu) et Haudenosaunee (Niagara) sont actuellement séparés par la frontière canado-américaine, plus précisément sur les territoires des provinces de l’Ontario et Québec, ainsi que l’État de New York et du Vermont. C’est également le cas pour les peuples Anishinabés dans la région des Grands Lacs.
La frontière canado-américaine est une des plus célèbres, tant par sa longueur terrestre de 8 891 km, ce qui en fait la plus longue du monde, que par les quelque mille milliards de dollars qui y transitent annuellement. Or, cette frontière ne s’est pas établie aussi simplement que certaines personnes pourraient le penser…Voici comment cette ligne frontalière s’est déployée, pour en devenir un symbole important de l’amitié et de la collaboration entre le Canada et les États-Unis.
La première frontière tracée entre les États-Unis et le territoire britannique (plus tard le Canada) remonte au lendemain de la Guerre d’indépendance, soit lors de la signature du Traité de Paris entre la nouvelle République et la Grande-Bretagne. Il est alors convenu qu’une ligne de démarcation entre les deux territoires prendra place entre les Grands Lacs (lac Supérieur à l’Ouest) et vis-à-vis l’actuelle ville de Jackman, dans le Maine. Cette frontière préliminaire donnera lieu à des quiproquos entre les deux territoires pendant plusieurs décennies, notamment en ce qui a trait aux délimitations de l’état du Maine. La frontière au niveau du Québec et les États-Unis a été instituée selon le 45e parallèle.
Au début du 19e siècle, les relations commerciales entre les États-Unis et la Grande-Bretagne étaient particulièrement tendues. Et le nouveau pays, dirigé par James Madison, a de profondes visées expansionnistes. L’Union, bénéficiant d’un avantage numérique considérable, se lance dans des campagnes contre la colonie britannique (canadienne), sans succès. La guerre de 1812, qui fut un des grands (et des seuls) moments de tensions entre les États-Unis et le Canada, s’est soldée par un match nul, aucun vainqueur. Par contre, les troupes britanniques ont abandonné le territoire autour du Lac Michigan (Nord du Midwest), qui sera plus tard conquis par les États-Unis aux dépens des peuples autochtones locaux. Puis, la Convention de Londres de 1818 joues un moment décisif dans la question des frontières, car elle établit que la frontière USA-GB/Canada se situe au 49e parallèle à partir du lac Supérieur jusqu’aux montagnes Rocheuses, ce qui était alors la limite géographique franchie à l’époque.
Quelques petites ententes ont réglé des éléments contentieux de la frontière. En 1842, le litige concernant la séparation du Maine et du Nouveau-Brunswick s’est soldé par un compromis, le Traité de Webster-Ashburton, dont la démarcation est celle qu’on connaît aujourd’hui. Quatre plus tard, le Traité de l’Oregon prolongeait la frontière jusqu’à l’extrémité continentale occidentale, toujours en suivant le 49e parallèle. Par contre, les modalités entourant la frontière à la hauteur du détroit de Juan de Fuca ont fait l’objet de vives tensions, dont le point culminant a été surnommé la « Guerre du cochon » (à cause d’un cochon tué par un Américain) . Bien qu’il n’ait jamais eu de combats entre Américains et Britanniques (seulement des démonstrations militaires), la frontière tracée par le Traité de l’Oregon ne plaisait à aucune des deux parties, qui proposaient leur propre découpage territorial, en fonction des populations présentes sur ces îles. Les deux opposants sont finalement arrivés à un compromis, signé en 1872. Des accords sur les limites territoriales ont été signés avec l’Alaska, en 1906. Finalement, en 1925, le Traité du lac des Bois, entre les États-Unis et le Canada, officialise le tracé frontalier entre les deux pays et est l’entente qui demeure en vigueur à l’heure actuelle.
En résumé, on peut dire avec justesse que les négociations en ce qui a trait aux frontières, marquées par le compromis et la bonne foi entre les acteurs, caractérisent la relation salutaire entre le Canada et les États-Unis. Bien que ces traités ont pour la plupart été signés avant la fondation du Canada, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 est venu confirmer la vive intention des fondateurs de poursuivre dans cette même tradition de bonne entente. Forcer, économiquement ou militairement, sans l’accord et l’écoute de l’autre partie est un affront à l’histoire marquée par la collaboration entre les deux entités. Par ailleurs, la Constitution américaine prévoit que l’adhésion d’un état à l’Union doit se faire avec l’accord de la communauté concernée (ce qui sera très difficile à avoir) et l’accord par majorité simple des deux chambres du Congrès américain. Au Canada, toute modification majeure à la Constitution doit être adoptée par l’unanimité des assemblées des provinces, par la majorité de la Chambre des communes et la majorité du Sénat (article 41 sur le consentement unanime).
Source: Site Native-Land, L’Encyclopédie canadienne, Britannica, Sovereign Limits, Radio-Canada, Smithsonian, The Globe and Mail, YouTube/EmperorTigerstar, Office of the Historian (USA), Historica Canada, Commission de la frontière internationale, Constitution américaine (chap. 4, art. 3), Constitution canadienne (article 41, Loi cons. de 1982)
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